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LA CROIX LECLÈRE À BERTOGNE et LA CROIX OLMECHETTE À BÉTHOMONT

LA CROIX LECLÈRE À BERTOGNE Quand vous quittez Bertogne par la route de Bastogne, vous grimpez une petite côte un peu avant la route de Fays, vous dépassez une sapinière et un parking sur votre droite, puis, tout de suite, vous trouvez sur le même côté de la route, souvent dissimulée dans les fougères, une étrange croix « carrée » composée de deux piquets de fer soudés ensemble. C’est la Croix Leclère. Si vous vous penchez sur le cercle de béton au pied de la croix, vous parvenez à déchiffrer une date gravée en rond, comme une couronne minérale: 14.2.1925. Que s’est-il passé ce jour-là, à cet endroit ? Une indication peut nous faire avancer, celle de la tombe d’un certain Jean-Joseph Leclère et de sa famille, que l’on trouve à l’ombre de l’église de Bertogne. On y apprend que ce monsieur est né le 9 février 1856, et qu’il a été lâchement assassiné, ce sont les termes de l’épitaphe le 14 février 1925. Il avait donc 69 ans. Les anciens du village se souviennent que son surnom dans la communauté de Bertogne était « D’Import ». On sait qu’il occupait toujours à cet âge vénérable la fonction de garde-champêtre. Assassiné, mais par qui ? Un homme du village de Bertogne a été soupçonné de ce meurtre, peut-être dans des circonstances de flagrant délit de braconnage, mais il a jusqu’à sa propre mort nié tout lien avec cette affaire. Cela n’a pas empêché la justice de l’époque de le condamner à une lourde peine de 15 années de prison. Sur la photo de la Croix Leclère qui figure sur cette page, vous reconnaissez sans peine que le matériau utilisé pour la construire est constitué du croisement de deux simples piquets de clôture en fer soudés. Il y aurait une lugubre raison qui justifierait ce fait : c’est avec un tel piquet que le vieux garde aurait été battu à mort en ce jour de février 1925 ! Cependant, cette version des faits, entretenue par certains, est battue en brèche par des descendants de l’infortuné Jean-Joseph. La version qui circule encore dans la famille est que Jean-Joseph revenait des champs, juché sur son cheval qui tirait un chariot. L’assassin l’aurait abattu d’un coup de fusil depuis l’abri du bois tout proche. La leçon de tout ceci, c’est que la mémoire collective dans nos campagnes est bien fragile, qui entretient à un petit siècle de distance des versions différentes de la même tragédie. Voilà qui pousse tout historien de l’Ardenne à être prudent ! La seule chose sur laquelle tout le monde s’accorde, c’est que, jusqu’il y a peu, une petite statue du Christ en croix ornait la croix de fer, et qu’elle a disparu... Géolocalisation : 50.072633 N / 5.6737625 E Références : Jules Fraselle, Fernande Leclère, Michel Scholtus et Henri Henriche de Bertogne Louis LEJEUNE, « Quelques croix d’occis en Ardenne », in Les Vivants et leurs Morts. Art, croyance et rites funéraires dans l’Ardenne d’autrefois, Bastogne, Musée en Piconrue, 1989, pp.153-162 

 

LA CROIX OLMECHETTE À BÉTHOMONT Au coin de la petite route qui contourne le dessus du hameau de Béthomont, vous trouverez une croix toute simple, qui perpétue un événement fatal et peu banal dans son déroulement. Jean-Marie Marx, de Béthomont, se souvient : « Le mardi 24 mars 1987, une journée ordinaire commence dans la vie d’un homme ordinaire. Raymond Olmechette, après avoir dégagé de son hangar les restes de betteraves et fait place nette, décide après dîner d’aller reconnaitre l’état du terrain qu’il réserve à la plantation de ses pommes de terre. Il y a comme un air de printemps, et comme il n’est jamais le dernier... En route sur son petit tracteur Ferguson rouge, tout calmement, sans trop de gaz... Le voilà engagé sur le chemin de terre qui le conduit à... un arrêt cardiaque le foudroie ! Il s’affale sur le volant de son tracteur, qui lui continue à avancer. Quittant brusquement l’ornière, le Ferguson attaque la clôture de fils barbelés de la prairie voisine et poursuit son chemin, entraînant autour de ses roues fils et piquets jusqu’au moment où le tracteur, qui tourne en rond, son chauffeur écroulé sur le volant, s’arrête faute de souffle et de gaz... Mort subite... Un voisin, inquiet d’apercevoir le tracteur de son ami en position aussi insolite, s’approche et comprend que Raymond a jeté ses dernières forces. Sa famille, et tout le village, furent atterrés et précipités dans la peine. Ce fut la dernière journée d’un homme ordinaire, mais qui, pour moi, était extraordinaire ! » Géolocalisation : 50.0869924 N / 5.6495294 E Références : Jean-Marie Marx de Béthomont, Marie-Flore Olmechette de Mageret.

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Vincent Thiry (samedi, 04 mars 2023 14:34)

    Bravo pour vos documentations et témoignages de la vie courante et de leurs destins tragiques couronnés d'Une croix ou d'un monument afin de ne jamais oublié que ce soit de la vie quotidienne ou événémentiels des deux guerres ,pour qu'une pensée reste a jamais de ces personnes qui ont participés héroiquement ou pas a la vie et au temps qui passe? Actuellement malade ,dès ma guérison je parcourerai ces chemins inconnus pour moi afin de photographier ces lieux de mémoire et en connaitre leur histoire, de nature nostalgique,touts ces faits attisent ma curiosité afin de mieux connaitre les régions ardennaises ou je vis depuis 64 ans. Merci,bonne continuation, V.Thiry, Fontenaille